Pouvez-vous nous présenter le SMAVV ?
Tanguy Gilbergue, chargé de mission milieux aquatiques : Le Syndicat mixte pour l’aménagement de la vallée de la Viosne (SMAVV) rassemble quatre intercommunalités réparties sur deux départements, l’Oise (Communauté de communes Vexin Thelles, Communauté de communes des Sablons) et le Val d’Oise (Communauté de commune Vexin Centre et Communauté d’agglomération Cergy-pontoise). Le linéaire sous la compétence du syndicat est de 61,2 km, soit 100% du linéaire total des cours d’eau du bassin versant de la Viosne.
Les missions du SMAVV sont :
- veiller au bon écoulement des cours d’eau du bassin et intervenir en cas de présence d’embâcles menaçant l’écoulement ;
- entretenir la végétation des berges afin de diversifier les conditions lumineuses du cours d’eau et les classes d’âge des strates arbustives et arborescentes, et de prévenir la chute d’arbres susceptibles de dégrader les berges ou de créer un embâcle ;
- mettre en œuvre le programme pluriannuel de restauration et d’entretien des cours d’eau du bassin de la Viosne.
Plus généralement, le SMAVV est chargé d’étudier d’un point de vue technique et financier les questions relatives à l’aménagement, à l’entretien et à la protection de la rivière et de ses affluents.
Pourquoi le SMAVV et le SIARP sont-ils partenaires dans cette étude ?
Benoit Georges, responsable adjoint du service Instruction et contrôles du SIARP : Le Syndicat Intercommunautaire pour l’Assainissement de la région de Cergy-Pontoise et du Vexin (SIARP) est gestionnaire des réseaux d’assainissement et des stations d’épuration de huit communes situées sur le bassin versant de la Viosne. Ses actions peuvent avoir un impact sur le cours d’eau qui est lui-même géré directement par le SMAVV.
Dans le cadre de la Directive-cadre sur l’eau ayant pour vocation la mise en collaboration des différents acteurs de l’eau pour la préservation de la ressource en eau, il nous a semblé cohérent de mettre en place une étude commune pour répondre à nos différents besoins, tout en agissant dans la même direction.
Nos deux structures permettent de mutualiser des connaissances complémentaires dans cette étude et donc, d’avoir une interprétation plus intégratives des pressions exercées sur le milieu. Nos champs de compétences respectifs sont très différents mais une fois de plus très complémentaires pour la préservation du cours d’eau.
Quel est le rôle de Paris Sorbonne Universités dans cette étude ?
Tanguy Gilbergue : La présente étude a été réalisée en coopération avec l’Institut d’écologie et des Sciences environnementales de Paris (Paris Sorbonne Université). Ce partenariat facilite les interactions entre les trois structures. Paris Sorbonne Université a mis à disposition le matériel de prélèvement, le laboratoire pour la détermination des espèces et ses connaissances scientifiques à travers la mise à disposition de chercheurs dans la réalisation des différentes phases de l’étude.
De son côté, le SMAVV assiste et stocke dans ses locaux le matériel de prélèvement de l’Université pour la réalisation de travaux pratiques sur le bassin versant de la Viosne.
Quel est le contexte de l’étude que vous réalisez actuellement et qui a débuté en 2022 ?
Tanguy Gilbergue : Cette étude résulte d’une volonté commune des structures porteuses (SMAVV, SIARP et Paris Sorbonne Université) d’évaluer la pertinence et la cohérence de leurs actions respectives inscrites au Contrat territorial eau et climat (CTEC) cosigné avec l’Agence de l’eau Seine Normandie (AESN).
Cette étude consiste à suivre l’évolution de la qualité biologique, chimique et physico-chimique des cours d’eau du bassin versant de la Viosne au regard des actions menées par les structures porteuses du CTEC.
Le secteur d’étude correspond à « la Viosne, de sa source au confluent de l’Oise (exclu) ».
Les résultats de ces études permettent aux deux structures de mieux appréhender les pressions exercées sur le milieu naturel et d’adapter la politique de gestion de l’eau de manière plus cohérente. Plus simplement, l’étude permet, sur chacun des tronçons, d’appréhender la typologie de pression et d’adapter la réponse à cette problématique, à savoir : pression physico-chimique : intervention du SIARP, pression hydromorphologique : intervention du SMAVV.
Qu’est-ce qu’un CTEC ?
Tanguy Gilbergue : Le CTEC s’attache à répondre aux enjeux de la politique de l’eau et la biodiversité durable associés au territoire dans le cadre des orientations du SDAGE Seine-Normandie (Schémas Directeurs d’aménagement et de gestion des eaux) et de la stratégie d’adaptation au changement climatique du bassin Seine-Normandie. Il s’agit d’un contrat liant le SMAVV et le SIARP d’une part sur des objectifs opérationnels (restauration rivière, mise en conformité des invertirons de branchement…) et l’Agence de l’eau d’autre part, sur le financement de ces actions.
Quelle est la durée de cette étude ?
Benoit Georges : Elle se déroule en trois phases distinctes. La première a fait office d’état des lieux, elle s’est tenue en 2021. La seconde phase se tient en 2023, en milieu de contrat, et permet de mettre en évidence les changements à la suite de la mise en place des premières opérations. Enfin la dernière phase (2025) permettra de comparer les paramètres étudiés lors des phases précédentes et d’attester ou non du succès des opérations.
Comment peut-on évaluer l’état global d’une eau ?
Tanguy Gilbergue : L’état global d’une eau de surface s’évalue par l’agrégation d’un état écologique, d’un état chimique et d’un état physico-chimique, c’est-à-dire par la réunion de ces trois états.
L’état écologique s’organise en cinq classes de qualité : de « très bon » à « mauvais ». Ces classes de qualités sont évaluées grâce à des paramètres biologiques dit bio indicateurs (invertébrés, diatomées, poissons) mais aussi à des paramètres physico-chimiques (macro-polluants et polluants spécifiques) et hydromorphologiques (caractéristiques physiques des cours d’eau).
Pour l’état chimique, il s’organise en deux classes de qualité : « bon » ou « mauvais » afin de respecter la Norme de qualité environnementale (NQE) pour 41 substances.
La qualité chimique et physico-chimique est évaluée à l’aide d’analyses d’une liste d’éléments définis réalisées par un laboratoire accrédité COFRAC.
La qualité biologique du cours d’eau est évaluée via l’étude de la faune ou la flore en fonction du test sélectionné. Dans le cas présent, nous l’avons évalué par le test de l’I2M2.
Quels types de prélèvements avez-vous effectué dans la Viosne, quels sont les paramètres analysés ?
Benoit Georges : Au total, dix points de prélèvements ont été sélectionnés sur la Viosne et ses affluents pour poser un état des lieux de la qualité des masses d’eau et orienter les actions du SIARP et du SMAVV, pour améliorer la qualité écologique et physico-chimique de la Viosne et ses affluents.
Les points de prélèvement ont été choisis en fonction des actions futures du SIARP et du SMAVV et de manière à répartir équitablement les points de mesures sur l’ensemble du bassin versant.
Les paramètres que nous avons choisis d’étudier pour chacune des dix stations portent sur trois aspects : biologique (qualité du milieu à l’instant T) via le protocole I2M2, physico-chimique (détection des pollutions impactant le milieu) via des mesures et prélèvement d’eau et hydromorphologique (caractéristiques physiques du cours d’eau, liés directement à sa capacité à héberger ou non une grande biodiversité) via nos observations lors des prélèvements.
À quoi correspond l’I2M2, test que vous avez choisi pour évaluer la qualité biologique du cours d’eau ?
Tanguy Gilbergue : L’indice que nous avons sélectionné est l’Indice Invertébré Multimétrique dit I2M2. À travers le prélèvement et la détermination d’invertébrés sur douze points d’une section de rivière, il permet d’obtenir une note de qualité du cours d’eau allant de 0 à 1. Cette note intègre plusieurs paramètres de la faune échantillonnée : richesse, diversité, résistance à la pollution, résilience, spécificités liées aux cycles biologiques…
Ce test intègre également un outil diagnostic visant à faire ressortir les potentielles causes de perturbation du milieu.
La prise en compte multifactorielle et la capacité d’orientation de ce test nous ont donc paru en totale adéquation avec notre projet d’évaluer et d’orienter nos actions afin d’améliorer ou conserver la qualité du milieu récepteur qu’est la Viosne.
Pouvez-vous décrire les étapes d’un point de prélèvement ?
Benoit Georges : Le protocole consiste à prélever, à l’aide d’un filet Surber, sur une surface de 20 cm2, tous les macros-invertébrés sur différents substrats plus ou moins biogènes (qui engendre la vie ou la favorise) et représentatifs du site d’étude. Le contenu du Surber est ensuite passé à travers un jeu de tamis de différents maillages pour faciliter le prélèvement des invertébrés. Ces derniers sont ensuite conservés dans une solution d’alcool jusqu’à la phase de détermination ; celle-ci pouvant se dérouler jusqu’à quelques mois plus tard.
La liste faunistique obtenue permet ainsi d’obtenir une note relative à la qualité du milieu. Cette dernière est directement liée à la diversité des taxons retrouvés, à la quantité des effectifs ainsi qu’à leurs traits biologiques qui nous renseignent sur les catégories de pressions exercées sur le milieu.
En fonction du mode de reproduction, de la robustesse ou de la fragilité à tel ou tel perturbateur des familles d’invertébrés prélevées, il est possible de dégager les causes d’impacts potentielles agissant sur le milieu. C’est pour confirmer ou non ces potentielles causes que nous portons un regard particulièrement attentif à l’hydromorphologie du milieu et que nous réalisons des analyses physico-chimiques de l’eau au moment des prélèvements biologiques.
Nous avons choisi d’analyser les paramètres majeurs de l’eau (pH, température, oxygénation, …) ainsi que des éléments spécifiques fréquemment rencontrés et ayant un fort pouvoir perturbateur sur les organismes (métaux lourds, pesticides et hydrocarbures). Nous analysons également les paramètres propres aux pollutions d’eaux usées (nitrates, phosphates, bactérie fécales, …) pour détecter d’éventuelles inversions de réseau.
Quelles sont la flore et la faune de la Viosne ?
Tanguy Gilbergue : Le bassin versant de la Viosne présente une faune et une flore diversifiées. Il est difficile de faire état de la liste complète, toutefois, nous pouvons évoquer quelques espèces emblématiques. Nous trouvons notamment la truite fario et l’anguille européenne qui se reproduit en mer des Sargasses au large du Mexique. La restauration de l’habitat de ces deux espèces patrimoniales est l’objectif à atteindre sur nos cours d’eau.
Des juvéniles de lamproie de planer ont aussi été capté il y a quelques années. Sont également présents dans la Viosne, le chabot, le brochet, la martin pécheur, le balbuzard pécheur, l’écrevisse à pattes blanche (espèce en danger du fait la dégradation de son habitat et de la compétition avec d’autres espèces d’écrevisses importées du continent américain).
Du côté des insectes, le bassin de la Viosne est habité par de nombreuses espèces d’éphémères et libellules, notamment l’agrion de mercure (classé en danger sur la liste rouge régionale des Libellules d’Île-de-France).
En ce qui concerne la flore aquatique et semi-aquatique, nous retrouvons la renoncule des rivières, reconnaissable à ses multiples petites fleurs blanches qui flottent en surface et ses très longues tiges (jusqu’à 6 m de long) trainant dans le courant, le callitriche, le cresson des fontaines. Le bassin versant de la Viosne présente de belles roselières et mégaphorbiaies, composées de hautes herbes denses inféodées aux milieux aquatiques et semi-aquatiques que nous nous efforçons de préserver afin de garantir un caractère naturel et fonctionnel aux cours d’eau.
Peut-on faire un focus sur des espèces ayant un impact négatif sur le milieu ?
Tanguy Gilbergue : C’est un point aussi important car des espèces exotiques envahissantes sont en effet présentes. Elles ont été introduites de manière volontaire ou involontaire par l’homme, hors de leur espace de répartition, occasionnant des menaces probantes sur nos écosystèmes. Je pense notamment aux ragondins qui déstabilisent les berges en creusant leurs galeries et en mangeant les racines des éléments constitutifs de la ripisylve, à l’oie bernache du Canada ou à l’écrevisse américaine pour la faune. En aucun cas, il ne faut nourrir ces espèces.
Du côté de la flore, deux espèces sont particulièrement présentes aux abords de nos cours d’eau, la renouée du japon qui peut repartir à partir d’un fragment de tige, feuille ou rhizome et la crassule de Helm, aquatique, ultra résistante. Nous conseillons vivement aux riverains de nous contacter lorsqu’ils constatent la présence de ces espèces.